Fusions-acquisitions, un tremplin vers la croissance
Le moyen le plus rapide d'accélérer le développement de son activité consiste à racheter une entreprise. Autrefois réservée aux grands groupes, cette possibilité s'ouvre depuis quelques années aux PME et aux ETI, mais exige de s'entourer de conseils avisés.
Comment accélérer la croissance de son entreprise? A moins d'être sur un marché en plein boom et de trouver facilement des collaborateurs pour servir l'afflux de clients, la croissance externe est souvent un moyen bien plus rapide pour développer une société que la croissance interne, dite organique. En France, on manque d'entreprises de taille intermédiaire (ETI), c'est-à-dire employant entre 250 et 5 000 personnes et réalisant moins de 1,5 milliard de chiffre d'affaires. Elles sont deux à trois fois moins nombreuses qu'en Italie, en Allemagne ou en Grande-Bretagne.
Une façon de favoriser l'émergence de telles sociétés est de rapprocher des entreprises plus modestes par des opérations de fusions-acquisitions de PME. On dénombre ainsi plus de 16000 cessions-transmissions de PME et d'ETI par an dans l'Hexagone, selon l'observatoire BPCE. Mais, en se limitant aux seules PME de 20 à 250 salariés, les experts du groupe Banque populaire Caisse d'épargne recensent à peine plus de 7000 cessions-transmissions par an. Et cette estimation serait encore large. Si l'on exclut les transmissions familiales ou internes, le vrai marché des reprises de PME serait plutôt estimé autour de 4000 à 5000 transactions par an.
Grossir en prenant le contrôle d'un concurrent
Pour ces petites et moyennes entreprises, on rencontre trois types d'acheteurs: d'autres PME ou de plus gros groupes français et étrangers, des fonds d'investissement et d'anciens dirigeants salariés entamant une seconde carrière à leur compte. "Alors que la croissance externe était l'apanage des grands groupes, cette démarche est devenue monnaie courante depuis une dizaine d'années pour beaucoup de dirigeants de PME qui ont compris que la croissance interne avait ses limites, observe Branka Berthoumieux, responsable reprise-transmission d'entreprise à la chambre de commerce de Paris Ile-de-France. Pour grossir, il est souvent plus efficace de racheter un concurrent ou une entreprise ayant une activité complémentaire, même pour une PME faisant 2 à 3 millions d'euros de chiffre d'affaires."
De nombreux chefs d'entreprise confirment ce diagnostic. "Si l'on a des fonds propres importants et qu'on est sur un marché où la croissance organique est lente, racheter une entreprise s'intégrant dans un projet industriel fait gagner du temps", témoigne Olivier Angleys, codirigeant de la société d'agencement de points de vente Espace4.
Racheter une société, ou plusieurs, est assurément un bon moyen d'accélérer le développement de son entreprise. Un projet de fusion-acquisition est une aventure formidable pour un dirigeant bien préparé, informé et accompagné. Mais une telle opération transforme si profondément l'entreprise qu'elle peut aussi tourner au fiasco en cas d'erreur.
Une acquisition est une décision stratégique qui doit être mûrement réfléchie et entourée de mille précautions. Où trouver des PME à vendre? Lesquelles acheter? Comment s'y prendre? Quelles questions se poser? Qui solliciter pour y répondre? Les interlocuteurs sont nombreux et aussi variés que les situations ou conditions de rachat.
Parmi les "portails" de la reprise de PME, on peut citer le réseau FranceInitiative.fr, présidé par Louis Schweitzer (ex-président de la Halde et de Renault), qui regroupe 230 plateformes de proximité actives dans l'assistance aux créateurs et repreneurs d'entreprises, réunissant des acteurs les plus variés, notamment les chambres de commerce et d'industrie (CCI) ou les chambres des métiers, mais aussi des professionnels et bénévoles (experts-comptables, avocats...).
Le rachat en Scop est une solution d'avenir
C'est aussi le cas du Reseau-entreprendre.org, créé par André Mulliez (ex-patron de Phildar et cousin de Gérard Mulliez, le patron d'Auchan), en parallèle de la Fondation-entreprendre.org, présidée par sa fille, Blandine Mulliez, qui accompagne et soutient les chefs d'entreprise par le biais d'un réseau de 82 implantations locales partout en France. Il est même possible de bénéficier de soutiens spécifiques pour racheter une entreprise avec ses salariés dans le cadre d'un projet de coopérative. Avec un taux de réussite à dix ans de 85% pour les rachats en Scop, "c'est une solution d'avenir méconnue pour nos PME", estime Anne Treister, responsable du développement du réseau Les-scop-idf.coop.
Du côté des professionnels en fusions-acquisitions de PME, les candidats au rachat d'entreprise peuvent s'adresser à de nombreux banquiers d'affaires, avocats, et cabinets de conseil ou d'audit variés. A ne pas confondre avec la kyrielle de démarcheurs non agréés gravitant autour de ce marché. Des patrons de PME reçoivent ainsi des courriels racoleurs tels que "Valorisez votre société. Prenez des vacances, vous allez être riche!", ou encore "Vendez votre entreprise et tournez la page. Plusieurs propositions gratuites en 48 heures!".
Ces campagnes publicitaires pour constituer des fichiers de vendeurs potentiels n'ont rien à voir avec les compétences requises pour mener à bien une mission d'acquisition. "Etre régulé donne une légitimité plus forte à ce que l'on fait", rappelle Didier Busquet, associé de la banque d'affaires indépendante Linkers, et administrateur de l'association Acifte, qui regroupe les analystes et conseillers en investissements financiers et transmission d'entreprise agréés par l'Autorité des marchés financiers (AMF).
Entre les aides et les déclinaisons les plus créatives d'apports financiers en crédit ou capital, les intermédiaires et les offres de financements ne manquent pas non plus. Selon les situations, les acheteurs peuvent notamment solliciter des financements de Bpifrance (ex-Oseo), des banques ou des fonds d'investissement à risque, voire des plateformes agréées d'intermédiaires en financement participatif, avec les atouts et contraintes propres à chaque mode de financement et à chaque contrat. Mais, là aussi, c'est un vrai labyrinthe dans lequel il vaut mieux être bien accompagné.
Solliciter les conseils de spécialistes
Bien choisir ses conseils est un véritable enjeu pour lequel beaucoup de patrons de PME sont mal préparés. Ces dirigeants sont souvent isolés face aux décisions stratégiques pour l'avenir de leur entreprises, et le leur. Même leurs conseillers habituels, expert-comptable, avocat ou notaire, ne sont pas forcément compétents pour les assister dans un projet de croissance externe. "C'est un peu comme en matière médicale, les sujets complexes requièrent l'intervention d'un spécialiste", résume Olivier Huyghues Despointes, avocat associé du cabinet Darrois Villey Maillot Brochier.
Cerner les enjeux stratégiques
Les banques d'affaires intégrées ou spécialisées dans le conseil en fusions-acquisitions réalisent davantage de missions de vente que de rachats d'entreprise, estimant qu'elles ont plus de chances de percevoir leur commission sur la transaction en se plaçant du côté du vendeur.
Les banquiers mandatés par les acheteurs sont moins nombreux, alors que leurs conseils peuvent se révéler souvent précieux. "Je conseille à tous les dirigeants qui ont un projet d'acquisition de se faire accompagner par des professionnels, mais la difficulté est d'en trouver qui comprennent bien le métier et le projet industriel de l'acheteur", précise Olivier Angleys, de la société Espace4, en connaissance de cause.
Ce dossier n'a pas l'ambition de passer en revue les atouts et faiblesses de toutes les options et filières possibles pour racheter une entreprise. Mais il aidera les futurs repreneurs à appréhender quatre enjeux majeurs d'un tel projet: la réflexion stratégique, le rôle du banquier d'affaires, l'importance des vérifications de due diligence, et l'aspect juridique des opérations.
"Racheter une PME, c'est d'abord un projet industriel avant une affaire de chiffres"

Olivier Angleys, codirigeant de la société Espace4. SDP
"Depuis 1988, notre société Espace4 s'est spécialisée dans l'ingénierie de projets d'aménagement et de maintenance de points de vente. Nous avons cherché à croître par croissance externe à partir de 2005 et avons racheté une première entreprise en 2009. En 2014, alors qu'Espace4 employait 70 personnes, nous avons racheté une autre PME de 50 personnes. Cette transaction nous a pris dix-huit mois. C'est long. Mais, dans notre métier, la croissance organique est encore plus lente et compliquée.
Que ce soit pour nous implanter dans d'autres régions, gagner des clients, ou former des collaborateurs de qualité, on y arrive plus vite par croissance externe. Des entreprises d'agencement, il y en a, et nous sommes sollicités. Mais nous avons d'abord un projet industriel avant de parler chiffres, car nous voulons intégrer les dirigeants des sociétés rachetées, et que les vendeurs aient la volonté de poursuivre avec nous.
Il est important de pouvoir être accompagné pour réaliser une acquisition, mais le plus dur est de trouver des gens en mesure de se projeter dans un projet industriel, car peu ont la patience et la capacité de comprendre nos problématiques avant de les traduire en chiffres et contrats."
Source : L'Express